Le 1er novembre, un communiqué des National Archives US a annoncé la re-découverte, et le prochain dépôt aux archives américaines de deux albums photos capitaux pour l'histoire de l'art européen : il s'agit de catalogues établis à l'intention du Führer pour recenser les oeuvres d'art saisies à des collectionneurs juifs, franc-maçons ou opposants politiques par une unité spécialisée de la Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, l'une des organisations nazis en charge, entre autres, de ce pillage. L'EER, liée à Goebbels, était en concurrence avec l'Anhenerbe de Himmler. L'organisation a notamment sévi en Europe de l'Est, et en France, où selon un rapport du 15 août 1945 de la Art Looting Investigating Unit de l'OSS, les Renseignements de l'US Army, elle a réquisitionné et réuni 21 903 objets d'art, issus de 203 collections !
Ce butin fut expédié dans différents châteaux en Allemagne, sauf quelques dizaines de toiles de tableaux impressionnistes ou du début du XXème siècle de maîtres comme Braque, Chagall, Picasso... Car elles relevaient de ce que le Reich avait dénoncé comme Entartende Kunst (art dégénéré), et les Nazis preférèrent les échanger contre des peintures classiques avec des marchands d'art allemands, comme Gustav Rochlitz. Les échanges furent si disproportionnés qu'il est manifeste que ces marchands se gavèrent au passage.
Seule une partie du butin nazi fut, comme le Jardin d'hiver de Manet (photo), récupéré par les armées alliées en 1945. Le reste ré-apparait de temps en temps sur le marché de l'art, déclenchant des procédures judiciaires, et les restitutions plus ou moins forcées durent depuis des décennies.
A noter que le numéro 2 du bureau parisien de l'ERR pour ce pillage, Bruno Lohse, est mort à 95 ans le 21 mars dernier (oui, nous parlons bien de 2007 !), après repris une carrière de marchand d'art après la guerre et une courte incarcération. Et il s'est avéré cet été 2007 qu'il détenait à sa mort dans des coffres suisses une collection hallucinante de 14 tableaux de Pissarro, Monet, Renoir, Sisley ou Dürer, tous volés par l'ERR. (voir l'article du JDD sur l'affaire)

Afin qu'Hitler puisse choisir ce qu'il voulait pour le futur musée qu'il voulait créer dans sa ville natale de Linz, l'ERR confectionnait des catalogues illustrés des oeuvres volées. 39 d'entre eux (sur une centaine) furent retrouvées à Neuschwanstein à la fin de la guerre, et se trouvaient déjà aux National Archives US. Les deux catalogues supplémentaires retrouvés portent les numéros 6 et 8, ils dormaient dans le grenier de la famille d'un GI, qui les avait pris comme souvenir à Berlin en 1945, inconscient de leur intérêt historique et judiciaire. Ils ont été rachetés par la Monuments Men Foundation for the Preservation of Art, présidée par Robert Edsel, auteur d'un livre et d'un documentaire sur la récupération des oeuvres d'art pillées par les nazis, pour un prix non-divulgué par celle-ci, et seront déposés aux Archives américaines.


1945 : les fichiers de l'ERR